Artibus BABA

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Artibus BABA est une lecture performée, composée d’un discours mêlant différentes sources : historiques, visuelles, traditionnelles et personnelles.

Ce projet a été imaginé suite à mes recherches sur les objets à manipuler et à dessiner : normographes, trace-lettres, pochoirs, etc.

Les 3 éléments composant la performance : l’espace, les outils et le discours, ont étés choisis pour faire sens ensemble.

En récupérant des matériaux issus du BTP, j’ai construit ces outils aux formes souvent familières, comme le pantographe ou le compas, pour dessiner sur le sol et sur les murs du palais des Arts, de l’institut supérieur des arts de Toulouse.

Les spectateurs sont amenés à écouter le discours, tout en observant les participants-performeurs dessiner des formes mnémotechniques grâce à la manipulation collective des outils à grande échelle.

Les lignes dessinées par ces outils se basent sur la matrice du carrelage.

Les formes se mêlent et se complètent pour raconter et fabriquer une nouvelle histoire.

Le discours :

« Les chasseurs Angolais tracent sur le sol des formes infinies sans début ni fin et pleines de complexités.

Des formes qu’ils dessinent comme des géométries sacrées avec leur index.

Ces idéographes, ces sonas, sont des dispositifs mnémotechniques qui aident à se souvenir des proverbes, des fables, des jeux, des énigmes ou des animaux.

 

Si nous dessinons en grand aujourd’hui, c’est pour partager avec vous au sein de cette communauté éphémère qui est la nôtre, une lecture performative accompagnée de formes dessinées.

Ces formes dessinées vivront plus longtemps que ma parole et laisseront une courte trace de mon discours pour enfin s’effacer.

 

Vous êtes ici aujourd’hui, le vendredi 11 juin, pour assister à Artibus Baba, une lecture performative qui base son récit sur les éléments de cette pièce.

Son histoire et son carrelage ont été pour moi un support abstrait d’imagination, de création et de recherche.

Un support pour vous raconter des choses personnelles, historiques et fantastiques.

Ces dessins à la manière des sonas, accompagnent ma voix pour l’appuyer visuellement et lui apporter une dimension mnémotechnique.

 

Ce carrelage de style art déco a été imaginé par la compagnie Jean Fourcade Abblard. Il est composé de différents matériaux, notamment de carreaux d’éclats de matière fabriqués à la manière du terrazzo.

Le terrazzo, d’après le dictionnaire professionnel du BTP, est un revêtement de sol dur, à base de granulats de marbre concassés dans un mortier, de ciment ou de résine, d’épaisseur variable selon le procédé.

Cette technique de décoration date des palais Vénitiens du XIIIe siècle.

Le marbre étant une ressource locale, les mosaïques des Pyrénées étaient la spécialité de l’entreprise Jean Fourcade-Abblard.

 

Cette pièce appelée le Palais des Arts est composée de 4 grands murs blancs, arrondis à l’origine. Elle a été construite par l’architecte Jaques-Jean Esquié en 1895. Elle se situe dans un bâtiment majestueux à la façade de style éclectique.

Construit lors de l’installation de l’École des beaux-arts de Toulouse, le Palais des Arts est un espace d’accrochage pour les étudiants.

Il est aussi une interface d’exposition entre la ville et l’école, qui depuis l’exposition de Gerhard Merz, pour le festival du Printemps de Septembre en 2005, prend des allures de white cube.

Un white cube qui a conservé son carrelage, chargé d’histoires, comme le dernier vestige d’une ornementation riche en détails.

 

Si on isole un signe du sol, il retrouve sa puissance symbolique.

Une puissance symbolique perdue dans une structure, dans laquelle il est multiplié pour créer un ou des ornements.

Un ornement dans les arts décoratifs, d’après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, est un élément qui a une fonction décorative et qui est considéré comme n’étant pas essentiel à l’oeuvre qu’il est censé agrémenter ou embellir.

Ces signes, symboles, ornements, sont de simples formes géométriques ou végétales.

Ils sont visibles ou plus discrets, comme les lignes tracées par le ciment entre chaque carreaux.

Ces lignes parcourent la salle, lient et complètent l’ensemble des signes.

Ils enrichissent l’espace du sol, s’y adaptent et le séquencent.

 

Le sol est divisé en 3 décors, entourés par des entrelacs.

Les entrelacs, d’après le dictionnaire le Petit Robert, sont des ornements composés de motifs entrelacés, dont les lignes s’entrecroisent.

Ils sont utilisés pour introduire à la médiation.

Leurs lignes entrecroisées forment des nœuds et des labyrinthes. Ils symbolisent le chemin aride vers la perfection ou vers les pénitences médiévales.

 

À l’intérieur des 3 décors entourés par 3 entrelacs se trouvent 3 rosaces.

La rosace, d’après le CNRTL, est une figure symétrique, formée de courbes inscrites dans un cercle à partir d’un point central. Elle a plus ou moins la forme d’une rose ou d’une étoile stylisée et elle est utilisée comme motif de décoration.

La rosace centrale est entourée d’une étoile à 8 branches formée par 2 carrés entrelacés.

Si on dessine le contour de cette rosace, une étoile apparait.

L’étoile est un astre producteur et émetteur d’énergie.

Elle représente dans certaines cultures amérindiennes et russes, le soleil rayonnant.

L’étoile permettait aussi aux navigateurs de se guider en pleine mer, comme avec la rose des vents.

 

La rose des vents se répète de 2 manières sur ce sol, au centre des 3 rosaces de la salle.

Elle est à l’origine associée au compas de mer.

Le compas de mer est une boussole formée d’un cercle, portant des divisions égales à des pétales de roses.

Elle détermine les 4 points cardinaux et les 4 points collatéraux dit aussi intermediaire.

La rose des vents permet aux navigateurs de se déplacer.

Les navigateurs, eux, ramenaient la matière première des pays lointains pour les usines de fabrication en tous genres.

 

En 1812, François Bouyer Fonfrède installe dans ces locauxune filature de tabac.

La filature donne son nom à la rue voisine, la rue du Tabac.

François Bouyer Fonfrède était l’un des premiers industriels Bordelais et Toulousain. Il était issu d’une famille possédant des plantations à Saint Domingue ainsi que des navires de commerce entre Bordeaux, les îles sucrières des Antilles et les villes hanséatiques.

Et avant, en 1791, François Bouyer Fonfrède, y installe un hôtel particulier et une manufacture de coton.

Une installation sans doute facilitée par les membres de sa famille présente sur le commerce Antillais.

 

Cette croix rappelle qu’en 1077, avant la filature de tabac et la manufacture de coton, ces bâtiments étaient un prieuré lié à l’église de la Daurade. Des bâtiments confisqués à la Révolution Française.

Daurade, veut dire doré en occitan et vient du nom attribué à l’église. Cette église à sa construction, possédait des mosaïques à fond doré qui ornait son plafond.

La croix est une rencontre accidentelle entre la verticalité et l’horizontalité.

Elle est la collision des contraires, la terre et le ciel, le bien et le mal, l’homme et la femme, mais surtout le signe de l’unité physique et spirituelle.

La croix symbolise dans de nombreuses mythologies, le centre et ici le centre d’un cercle.

 

Le cercle trouve son origine dans la voute céleste, il est associé à la forme de notre planète et symbolise le ciel.

Le cercle permet l’éternel retour, il est une ligne sans début ni fin, tournant autour d’un centre invisible.

La vie de l’Homme se déroule dans un cercle.

 

La ligne guide, indique une direction et forme un chemin

Il y a 2000 ans, dans le but de communiquer avec les dieux, la civilisation Nazca dessinait des géoglyphes, à partir de lignes au sol sur de grandes plaines.

Cette civilisation, découverte par l’archéologue Max Uhle en 1901, était une culture précolombienne du sud du Pérou qui se développa entre 200 ans avant J-C et 600 ans après J-C.

Les figures linéaires guidaient le déplacement des Nazcas après leurs processions.

La ligne droite symbolise la stabilité, l’équilibre.

Le cercle, lui, symbolise le divin et il est l’inverse du carré.

 

Le carré peut représenter les 4 coins du monde ou les 4 saisons.

Il est l’ordre et la stabilité du monde.

Le carré c’est aussi la terre, sur laquelle se superpose plusieurs couches. Ces couches sont les différentes vies de ce sol.

Le dernier carré, qui est enfaite la première couche de l’histoire de ce sol, c’est la route.

Une route de terre battue ou de pavé, qui longeait au 5e siècle, le bord de Garonne et les jardins du monastère Sainte-Marie de la Daurade, l’un des plus anciens lieux de culte de Toulouse.

Cet espace ouvert appartenant à la rue est devenu au fil des années un espace clos depuis lequel on pouvait voir l’extérieur à travers ses fenêtres.

 

Nous avons suivi cette route, qui nous a mené ici, de l’autre côté de la pièce pour observer ces dessins ajoutés une couche d’histoire à ce lieu.

Ces formes ont décoré le sol à la manière des dessins traditionnels du sud de l’Inde, les kolams, renouveler tous les matins par les femmes du village.

En vous déplaçant dans cette pièce, vous avez été invité à les piétiner.

Vos piétinements ont commencé à les faire disparaitre afin de laisser à la manière d’un palimpseste, la place à de nouvelles histoires demain. »

Niveau du diplôme : DNSEP Design graphique

Site Internet : http://@_breste